Plusieurs groupes d’employés du public et parapublic sont présentement en négociation. Ces négociations, souvent très médiatisées, offrent une visibilité aux politiciens et à différents intervenants pour commenter l’avancement des négociations et parfois même donner leurs avis sur divers sujets reliés à la négociation. Semant parfois la pagaille, quels impacts ont ces commentaires sur le cours des négociations?
À titre d’exemple, nous avons entendu la semaine dernière le ministre de l’Éducation demander à un journaliste s’il comparait vraiment le travail d’une enseignante à celui d’un député. Bien que ce commentaire aurait pu passer sous silence, il fut plutôt repris et joué en boucle sur les réseaux sociaux, mettant en grogne les enseignants(es) qui ont perçu dans cette question un signe de condescendance et de mépris envers leur rôle et leur profession. Avec cette impression en tête, quels impacts pourrait avoir ce commentaire sur le cours de la négociation?
La négociation fut pendant plusieurs années vécue comme une compétition. En effet, dans une négociation compétitive, les parties prenantes se distribuent des parts du gâteau. Donc, tout ce que l’un gagne, l’autre le perd. Bien que certains contextes demandent ce type de négociation distributive, les experts en négociation tentent aujourd’hui de faire migrer plusieurs occasions de négociation en mode collaboratif, voire en négociation de type raisonnée. Cette stratégie de négociation demande aux intervenants de collaborer pour créer ensemble plus de valeur à se répartir et ainsi trouver des solutions gagnant-gagnant afin de s’assurer que personne ne ressorte de la négociation avec le sentiment d’avoir perdu, d’avoir été floué. Impossible en négociation collective me direz-vous. Et bien détrompez-vous !
Suite à nos formations, plusieurs de nos clients appliquent aujourd’hui la négociation raisonnée en négociation patronale-syndicale et nous mentionnent avoir réussi à régler des enjeux de longue date, à élever la portée de leur négociation, à faire des gains dans un climat collaboratif, à apporter leur négociation dans une zone de création de valeur et à collaborer à la suite de la négociation de façon plus cordiale et efficace.
Pour effectuer une négociation de ce type, un climat cordial à la table de négociation est important. Ce climat sera construit par les différents intervenants selon l’état d’esprit dans lequel ils se trouvent. Alors, revenons à notre question de départ et demandons-nous dans quel état d’esprit ce type de commentaires perçus comme méprisants place nos intervenants ? Dans un esprit collaboratif ou compétitif selon vous ? Chaque groupe d’intervenants entre en négociation avec leur cadre de référence, leurs illusions, leurs biais cognitifs. Certains de ces biais sont créés par la partie adverse, par leurs commentaires, leurs attitudes, leurs intonations. Est-ce que ces derniers réalisent qu’ils sabotent eux-mêmes leur négociation ?
Regardons quelques-uns des biais cognitifs provoqués par ce type de commentaires :
- L’effet de vérité illusoire est la tendance à croire qu’une information est vraie après une exposition répétée à cette information. Comme ces événements et commentaires sont souvent partagés en boucle sur les réseaux sociaux, ils deviennent percutants, prennent de l’ampleur et viennent teinter l’état d’esprit des différentes parties prenantes.
- Le biais de la disponibilité en mémoire consiste à porter un jugement sur une probabilité selon la facilité avec laquelle des exemples viennent à l’esprit. Ces messages ayant été répétés, partagés, discutés viendront toucher le côté émotif des parties prenantes et reviendront rapidement en mémoire. Souvent, l’état d’esprit créé par ceux-ci perdurera tout au long de la négociation.
- L’erreur fondamentale d’attribution est la tendance à surestimer les facteurs personnels (tels que la personnalité) pour expliquer le comportement d’autres personnes et à sous-estimer les facteurs conjoncturels. Les négociateurs auront donc ensuite tendance à associer des refus à la personne, à son attitude, à son mépris plutôt qu’à des raisons rationnelles et/ou économiques.
- L’illusion de corrélation consiste à percevoir une relation entre deux événements non reliés ou encore à exagérer une relation qui est faible en réalité. Les parties prenantes pourraient donc associer la lenteur des négociations aux mépris ressentis alors qu’en fait, le ralentissement est dû à des raisons complètement différentes.
Alors, que faire pour éliminer ces biais ? Bien sûr, il est possible de travailler sur soi :
- Se renseigner sur les biais cognitifs pour pouvoir les identifier
- Être humble et accepter de se remettre en question
- Faire preuve d’empathie
- Questionner ce qui semble immuable : pensées, idées préconçues, opinions, jugements.
- Éviter l’impulsivité
- Faire réaliser aux membres de son équipe de négociation que certaines frustrations découlent d’un biais cognitif
- Chercher et analyser les faits, les comportements, les contextes
- Revenir au rationnel
S’il est possible de travailler sur ses propres biais cognitifs, il sera toutefois très difficile de faire réaliser à la partie adverse qu’elle possède des biais et qu’elle devrait tenter de les éliminer. Nous réalisons alors qu’il est très important de ne pas placer notre opposant dans cet état d’esprit et de ne pas créer, par nos commentaires et agissements, ces biais cognitifs qui nuiront ensuite au bon déroulement de notre négociation.
Certains négociateurs se désolent du climat de la négociation, de l’attitude et de l’état d’esprit de leur vis-à-vis. Il est intéressant de constater qu’ils sont parfois responsables de ce climat puisqu’ils ont créé ces biais par leurs commentaires, leurs agissements, leurs propres attitudes.
Bonne négociation!
101 conseils pour propulser votre équipe de ventes au sommet
Auteurs : Stéphan Lavigne, Lucie Turcotte et Richard Juneau
Béliveau Éditeur, 2017
ISBN 978-2-89092-888-6
Cliquez ici pour plus d’information sur cette publication
Si vous recherchez plutôt une formation en gestion des ventes, visitez notre page liste de formations en cliquant ici.